Avoir un ordinateur dans les années 90

Source : giphy
Source : giphy

Moment clé de mon existence d'humain moderne : l'arrivée d'un Personnal Computer (un "péssé") dans le foyer familial. 

Je m'en souviens comme si c'était hier et j'en suis encore tout ému.  

Pendant 3 jours, la bête a trôné sur la table de la salle à manger à la fois fière, mystérieuse, triomphante et tellement étrangère à nous, ignorants de l'informatique que l'on prenait toutes les précautions du monde en manipulant l'engin. 

Un semi remorque pour tout ramener à la maison.

J'abuse un peu mais c'est pas loin de la vérité. Acheter un ordi dans les années 90, c'est lui consacrer une pièce ou un coin complet de votre intérieur.  

 

Moniteur bien large et profond sur lequel on attache deux hauts parleurs, tour centrale lourde et bruyante, clavier, souris, microphone, imprimante de 22kg, scanner, pile de CD-ROM et vous êtes prêts à découvrir des contenus multimédia interactifs ! (Le tout apposé sur un meuble de coin conforama fragile mais super bien optimisé avec des emplacements partout, l'emplacement pour l'imprimante étant très souvent, bien trop petit.) 

 

Les distributeurs de micro-(aha)ordinateurs, rivalisaient d'offres les plus complètes possibles avec des lots de logiciels livrés avec la machine ! Pack office 95 + encyclopédie Encarta + adibou + adi t'apprend l'anglais, le portugais et le créole + corel draw je-ne-sais-quoi... Ces logiciels aussi utiles qu'inutiles avaient pour simple objectif de kidnapper les 4Go de mémoire disponibles. Mais attends, faut bien tout installer si c'est livré avec ! Ptetre qu'on en aura besoin plus tard ! 

Avouez que ce genre de bureau vous excite. Source : conforama
Avouez que ce genre de bureau vous excite. Source : conforama

"Touche pas à ca p'ti con"

Y'a pas à dire, windows n'est vraiment, mais alors vraiment pas intuitif pour les purs débutants. Les débuts furent super laborieux. Chaque clic générait une peur bleu de faire bugger le PC à 9000 francs. Mais heureusement que le grand frère fut initié à l'informatique à l'école sinon la bête aurait déjà valsé par la fenêtre connaissant mon daron. 

 

Nos petits cerveaux fébriles ont dû appréhender un vocabulaire d'une barbarie inhumaine à base de défragmentation, formatage, erreurs fatales (oui fatales !! Qui a pondu ce terme d'une violence inouïe qui au final, n'a rien de fatal du tout ??), MS-DOS et autre ctrl+alt+suppr. En clair, la bête se laisse difficilement approcher et ne parle pas notre language. Le moindre clic de travers te ramenait une goutte de sueur sur le front redoutant la prochaine erreur, au final, non fatale. 

 

Après quelques semaines d'expérimentations, on a l'impression de maîtriser plus ou moins l'engin : on essaie de dessiner quelque chose de regardable sur paint, de changer de fond d'écran 39 fois avant de repartir sur le premier fond avec la fenêtre Windows ( on ne sait pas pourquoi d'ailleurs,  si seulement j'avais su sauvegarder cette image de Shannen Doherty trouvée sur la disquette de mon pote...). On touche au démineur sans jamais bien comprendre comment gagner et faire en sorte que cet horrible petit smiley de 12px choppe ses lunettes de soleil. On délire des heures durant avec le trombone animé de Word tout en découvrant bien après qu'il y a aussi un chat, un chien et un vieil Einstein. Rien que cela nous amuse et suffit à nous satisfaire d'un achat bien trop onéreux. On se sent fier, on impressionne les adultes avec des trucs tout cons et tout va dans le meilleur des mondes.

 

Mais très vite, l'appel du world wide web se fait trop, bien trop tentant... "Vazy papa, souscris un contrat 10h par mois avec AOL, ca vaut le coup, paraît même que c'est bien plus rapide que le MINITEL!" 

Prrrrrrrrr, tilililililililili, wiouuuuuuuuuuuut, krcchhhhhhh la magie de l'INTERNAITE !

Ce bruit là, vous ne l'oublierez jamais. C'est le gong d'entrée vers l'internet, ce monde parallèle dont on ne connaît trop rien et qui excite autant qu'il suscite craintes. On arrive sur une page d'accueil bien remplie de brèves news, de la météo de New-York et là au milieu trône ce champ vide qui permet de rechercher quelque chose. "Wow, on peut chercher ce qu'on veut ? Vraiment ? Génial ! Ah cet internet... C'est fou !  C'est le turfu ! ...Bon qu'est ce que j'ai besoin de chercher moi..." Et ouais, on se rend compte d'une chose. C'est que plus t'a le choix, moins tu sais quoi faire. Au final, on a pas vraiment besoin de chercher quoique ce soit.

 

On vit bien avec son gros dictionnaire sur les genoux ou quelques allers-retours à la bibliothèque municipale. Mais on nous parle tellement de cet internet partout qu'il faut absolument essayer et se forcer à en trouver une utilité d'autant plus que le compteur d'heures de surf d'AOL te met la pression... Pareil, maman ne peut pas appeler ou être appelée par mamie pendant que toi tu t'éclates à taper "teub" ou "anita hartley coeurs à vifs" sur lycos... 

Le temps des excès et des frustrations

Comme si c'était écrit depuis des millénaires dans l'histoire de la race humaine, l'adoption de l'internet fut violent et rapide. Très vite, les 10h de surf autorisées par ton contrat AOL se révèlent insuffisantes. Membre actifs de plusieurs forums, tu passes tes soirées à discuter, à bien relire les phrases et vérifier l'orthographe de ton post, sinon, tu te fais online lyncher par la communauté exigeante. Tu découvres les premiers sites de téléchargements et patiente bien comme il faut lors du téléchargement de ta musique en fichier mp3 que t'écoutera avec délectation avec Winamp. 

 

Très vite, tu téléchargeras des albums de musique complets, puis des petites vidéos de quelques secondes puis des sketches des nuls ou des inconnus que tu refileras en cd-rom à tous tes potes, puis des séries, happy three friends, des films... Sans le savoir, tu deviens un pirate en puissance écrasant sans moindre arrière pensée les sacro-saints droits d'auteur de tes doigts tous gras sur ton clavier usé. Ils auront mis du temps à la voir la menace de l'internet nos chers labels ! Les cd se vendent encore bien, les frères Hanson font "mmmmmmmm bop" partout à la radio, y'a pas raison de s'inquiéter !  

 

Pourtant, ton internet devient trop lent, ton pc suffoque, la barrette de 128mb de RAM ajoutée il y a un mois ne suffit pas à satisfaire tous les nouveaux désirs que l'internet te promet d'assouvir, ta collection de cd gravés aux pochettes horriblement imprimées à la maison s'agrandit sans même en avoir écouté la moitié voire le quart. "Tiens, j'ai le cd du concert de Mylene Farmer moi ?" 

 

Au final

T'es fini, définitivement accroc, pikousé aux pixels. L'ordinateur et internet te possèdent. Sans le savoir, ta vie a changé,  profondément.  Tu n'achèteras plus de cd, de dictionnaire et la télévision t'ennuiera. Tu n'iras plus à la bibliothèque municipale, tu sortiras simplement moins. Ta vie a changé et n'est pas du tout encore prête à subir le prochain bouleversement de petite taille qui arrivera à grands pas : il tient dans la main et c'est Apple qui te le jettera à la figure en premier... 

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Commentaires: 1
  • #1

    alexandre (samedi, 04 juillet 2020 15:40)

    il est exeptionnel ce post vraiment j'y etait fin 90 merci merci